
Histoire de Romain. Décédé par suicide, sous médication par paroxétine et tercian.

Par son père. Le 4 Septembre 2022.
Début mars 2021, Romain était en parfaite condition physique et pratiquait intensément le sport: football et course à pied. À l’école Romain avait des résultats corrects et bons en maths et physique, il suivait en extra un cours de Japonais, sa langue natale. Il souffrait de pensées intrusives et de troubles obsessionnels compulsifs. Il était conscient de son comportement invalidant et demanda de l’aide. Il était volontaire pour s’en sortir.
Nous rendîmes visite à un psychiatre privé qui dès la première séance lui prescrit de la paroxétine. Le psychiatre ne nous a jamais alerté sur les possibles effets secondaires du médicament, notamment les risques accrus de suicide chez les adolescents. Romain prit d’abord 10 mg/j puis rapidement 20mg/j et 30mg/j. Les deux premiers mois, Romain réussit à se débarrasser de certains de ses tocs les plus invalidants, notamment ceux liés à l’alimentation. Nous étions alors tous contents des progrès réalisés.
Paradoxalement d’autres problèmes apparurent progressivement. Romain devint détaché. Sa personnalité changea. Il abandonna ses activités sportives. Il devint irritable, il eut une première colère qui ne me parut pas normale. Il avait du mal à dormir et semblait souvent très fatigué. Le psychiatre augmenta la dose de paroxétine à 40 mg/j le 8 juin. Romain eut beaucoup de difficultés à passer ses examens de fin d’année. À partir de fin juin, parfois Romain devenait puéril.
Durant l’été Romain eut une activité intellectuelle importante: il travailla intensément maths et physique pour préparer sa rentrée en terminale, se prit aussi d’intérêt pour la philosophie…
Néanmoins les symptômes précédents empirèrent et de nouveaux apparurent.
En juillet, après ses examens, son cycle de sommeil était inversé, et il eut quelques crises de violence soudaines, cassant des objets. Nous en référâmes à son psychiatre et fin juillet, lequel ajouta du Tercian à la médication. Puis ce dernier partit en congé sans nous laisser de consignes particulières.
En août la situation devint très difficile. Romain devint parfois désinhibé. Ainsi, Il prit le métro sans ticket, devint très loquace, se mit à parier avec les paris sportifs, choses qu’ils ne faisaient pas habituellement. Il devint aussi maniaque: ainsi le 7, il décida soudainement de partir seul en vacances, ce qui était irréaliste. Nous le persuadâmes de partir avec un adulte et ce fut son grand-père qui l’accompagna et le conduisit pour un tour d’une semaine dans le sud de la France. À son retour le 15 Août Romain eut une grave crise de déprime. Nous le trouvâmes le soir dans la douche assis par terre, incapable de prononcer un mot, le regard à l’infini. Nous réussîmes à lui faire prendre du tercian et il put revenir à lui. Je l’interrogeai alors et il ne comprenait rien à ses pensées.
Nous rendîmes visite deux fois à des médecins, le médecin de famille (le 18 août) puis le médecin de garde du 15 (le 27). Ceux-ci n’appréhendèrent visiblement pas la dangerosité de la situation et nous conseillèrent de parler au psychiatre traitant à son retour prévu le 6 septembre.
Durant la seconde période d’août et début septembre Romain eut des comportements à risque ou socialement incorrects et d’autres crises violence. Ainsi il nagea dans un lac loin de la rive et dut être ramené par un pédalo. Il emprunta sans le demander le vélo du voisin. Dans un geste de colère, il cassa son téléphone portable. Après une des ses crises violentes, il vint vers moi et me dit « papa, aide-moi je ne sais pas ce qui se passe dans ma tête ».
Nous contactâmes le psychiatre dès son retour de vacances, le 6 septembre et lui rendîmes visite le 7, sans Romain qui était à l’école. Après discussion avec Romain, nous avions décidé qu’il irait en classe ce jour notamment car il était prévu pour Romain un rendez-vous chez son psychiatre le vendredi 10. Lors de notre entrevue du 7 avec le psychiatre, nous lui décrivîmes tous les symptômes de Romain. Nous lui demandâmes un diagnostic – nous n’en avions jamais eu — et si Romain devait être arrêté, subir un IRM ou aller à l’hôpital. Le psy parut inquiet. Il nous demanda alors de lui faire confiance et affirma que Romain devait continuer l’école et qu’il reverrait la médication de Romain le vendredi suivant, ajoutant possiblement un médicament pour les crises de violence. Pour le diagnostic, le psychiatre nous dit que les causes étaient psychologiques liées à l’anxiété. Il suspectait aussi possible un trouble de la personnalité.
Le mercredi 8 après-midi, Romain n’avait pas cours, il passa tout son temps dans la piscine du jardin. J’en profitais pour essayer de parler avec lui. Mais il avait un comportement complètement détaché et ce fut impossible.
Jeudi soir Romain resta la soirée dans son lit, dans le noir, refusant de prendre le tercian. Mes parents vinrent nous aider et finalement Romain se leva et prit ses médicaments. Il semblait mal à l’aise physiquement et confus mentalement. Finalement il passa la nuit chez ses grands-parents qui sont voisins. Ce fut la dernière fois que je le vis.
Romain ne se rendit jamais au rendez-vous du vendredi. Ce jour, il passa une journée à l’école avec ses camarades, discutant et plaisantant avec eux. Il fit même des plans pour le week-end avec l’un d’eux. Vers 17 heures à la sortie de l’ école, il laissa sur le quai de la gare ses camarades pour se placer sûrement et calmement devant un train qui ne s’arrêtait pas.